Aujourd'hui, quand on recrute un graphiste, c'est parce qu'on aime son book, mais on lui demande toujours quels sont les logiciels qu'il maîtrise. Et quand on recrute un technicien dans un cadre d'activité créative, on vérifie ses compétences, mais on veut toujours voir les projets auxquels il a pris part. On a désormais des dénominations professionnelles telles que « Tech Artist », « Graphiste 3D » ou « Artiste Numérique ». Les graphistes « classiques », qui ne touchent pas aux techs, et les techniciens purs sans compétences créatives sont des espèces en voie de disparition. Aujourd'hui la « double-compétence » est de mise. Mais pas de raison de s'alarmer ou de se lamenter : maîtriser les outils techniques permet d'augmenter la capacité créative. Et comprendre le potentiel créatif d'une technologie, c'est pouvoir mieux l'appliquer et offrir toutes ses capacités à son équipe.
L'idée même de l'unicité d'une compétence, ou de l'hyperspécialisation dans un domaine exclusif est un concept propre à l'industrialisation, qui de nos jours à tendance à disparaître au profit de la polyvalence. De la Grèce antique, où la « technè » signifiait à la fois technique et art, aux peintres de la renaissance, qui étudiaient la chimie pour leur pigments et les maths pour la perspective, les artistes et les techniciens, voire les ingénieurs et les philosophes, ont souvent été les mêmes personnes. Ce n'est qu'à l'ère moderne que l'on a commencé à se définir comme une et une seule chose. Et avec l'industrialisation et les chaînes de production, on a voulu des intervenants uniques, spécialisés, des engrenages efficaces mais mono-tâche.
Aujourd'hui, dans le monde créatif au moins, avec des outils puissants, on revient à des acteurs plus polyvalents, qui maîtrisent, ou au moins comprennent, la chaîne de production de A à Z. L'engrenage est remplacé par la machine informatique (et maintenant les IA), et l'acteur humain se doit d'être non plus un exécutant dans la chaîne, mais son opérateur qui dirige l'outil. Pour être compétitif, l'artiste doit maîtriser l'outil, le technicien doit en comprendre les applications, voire être le même individu (dans le cas d'un Directeur Technique). Cela permet une plus grande créativité, une plus grande complexité (en parallèle à la puissance et simplicité d'utilisation des outils), et ouvre à de plus nombreux débouchés. En bref, la double-compétence aujourd'hui, c'est indispensable et c'est deux fois plus de bonheur.
Comments